La Carte de Cassini une histoire de famille

 

Cartes de Cassini à télécharger 

 

I- Les quatre Cassini

                  

Cassini I

        

Tout a commencé en 1683 avec Jean Dominique Cassini.

Astronome d'origine italienne (il naquit à Perinaldo en 1625, dans le comté de Nice, alors sous l'obédience de la maison de Savoie), il fit ses études à Gènes après de solides études de lettres, de théologie et de jurisprudence, une grande curiosité intellectuelle le pousse vers la poésie et l'étude des mathématiques et de l'astronomie. Un fiche amateur de Modène, le marquis C. Malvasia, l'invite à venir dans son observatoire. Là de nombreux instruments sont mis à sa disposition, et il peut travailler avec deux astronomes de grande notoriété: les pères Riccioli et Grimaldi.  Il  succédera à Bologne à la chaire d'astronomie de Cavalieri. Par ses observations de très bonne qualité et ses publications astronomiques de valeur, il se fait bientôt un nom célèbre, ce qui lui vaut d'être nommé professeur d'astronomie à l'Université de Bologne en 1650 : il a alors vingt-cinq ans. Peu après, il est délégué par le Sénat de Bologne pour arbitrer un différent entre Bologne et Ferrare à propos de la régulation des cours du Reno et du Pô. En 1663, il est nommé superintendant des fortifications et entre au service du Pape.

Sa notoriété a franchi les frontières et, en 1668, Colbert, qui recherche des savants étrangers pour la nouvelle Académie, lui offre d'en devenir membre correspondant. Il accepte. Colbert l'invite alors à venir en France pour un séjour de durée limitée afin de l'aider dans la construction du nouvel observatoire. Le Pape l'autorise à partir temporairement et lui conserve ses titres et émoluments. De plus, Colbert lui offre des conditions avantageuses : son voyage est payé (1000 écus), il sera logé gracieusement et recevra une pension de 9000 livres. Il quitte donc Bologne en février 1669 et arrive à Paris le 4 avril. Il est reçu par le Roi quelques jours après avec une faveur toute particulière. Il participe immédiatement aux travaux de l'Académie, et il essaie de faire modifier les plans de Perrault pour mieux adapter le bâtiment aux observations astronomiques. Mais son français est hésitant, son caractère autoritaire, et sa situation privilégiée auprès du Roi font qu'il n'est pas très favorablement accueilli par certains académiciens. Pensant rester peu de temps en France, il ne fait pas beaucoup d'efforts au début pour s'adapter aux moeurs et à la langue française. Mais il est peu à peu séduit par la vie et les conditions de travail qui lui sont faites; son ambition lui fait jouer un rôle actif dans l'important programme de recherche engagé par l'Académie et, réussissant à vaincre beaucoup d'oppositions, il y gagne des collaborations essentielles.

Dès 1671, avant même que l'Observatoire ne soit achevé, il s'installe dans l'appartement préparé pour lui, et commence ses travaux d'observation et de recherche. Malgré plusieurs rappels du Pape, il se plaît tant qu'il manifeste le désir de rester en France, et sollicite sa naturalisation, qu'il obtient en avril 1673. Devenu aveugle en 1710, il meurt en 1712 et sera inhumé à Saint-Jacques-du-Haut-Pas, sa paroisse.

                   Cassini II

Jacques (1677-1756), s'intéressa tout particulièrement à la mesure de la Terre. Il fut membre de la Royal society et mourut à Thury (Yonne). Louis XV ayant eu connaissance des travaux de cartographies réalisés en Flandres ordonne de dresser la carte de son Royaume.

 

                   Cassini III

 

Le fils de Jacques, César-François Cassini de Thury (1714-1784), spécialiste de géodésie, fut aussi directeur de l'observatoire de Paris. Il établira la carte de la France par triangulation. Mais, il décède en 1784 laissant à la charge de son fils Jacques Dominique le travail de la famille.

 

                   Cassini IV

 

 Jacques-Dominique, comte de Cassini, est né à l´Observatoire de Paris le 30 juin 1748. Il fait ses études secondaires au Collège du Plessis à Paris puis chez les Oratoriens à Juilly. En 1768 il voyage dans l´Atlantique au titre de «commissaire pour l´épreuve des montres marines » inventées par Pierre Le Roy. Il va ainsi en Amérique puis sur les côtes d´Afrique, et enfin revient à Brest. Élu adjoint à l´Académie des sciences en 1770, il en devient membre associé en 1785. L´Académie le charge de la rédaction du «Voyage en Californie» de l´abbé Chappe. 

 

Assuré d´être directeur à la mort de son père, il assume graduellement les responsabilités de cette charge lorsque la maladie tient Cassini III éloigné de l´Observatoire. Il sera officiellement nommé directeur en 1784. Il arrive alors à persuader Louis XVI de l´urgence qu´il y a à restaurer le bâtiment, qui n´a guère été entretenu depuis sa construction. Il propose également une réorganisation de l´Observatoire. Tous ces projets ne seront réalisés que partiellement. 

Il achève les travaux de la Carte de France et participe aux opérations géodésiques de raccordement des méridiens de Paris et de Greenwich. 

 Au début de la Révolution, il accepte quelques charges politiques et   participe pendant plusieurs mois aux travaux de la Commission de  l´Académie chargée de la préparation du système métrique. Mais,  foncièrement attaché à la monarchie, il se démet de ses fonctions en  septembre 1793 ; de février à août 1794 il est même emprisonné au couvent des Bénédictins anglais, rue Saint-Jacques, à la suite d´une dénonciation du Comité révolutionnaire de Beauvais. Lorsqu´il est relâché il se retire dans son château de Thury. Il démissionne du Bureau des longitudes en 1795 et du nouvel Institut national en 1796; cependant il acceptera son élection comme membre de la section d´astronomie de la nouvelle Académie des sciences en 1799. 

Il renonce à son travail scientifique et se consacre à des écrits polémiques visant à défendre le prestige scientifique de la famille et à justifier son attitude. Il publiera, en 1810, les Mémoires pour servir à l´histoire des sciences et à celle de l´Observatoire royal de Paris, précieux document fondé sur des archives personnelles aujourd'hui disparues, intéressant aussi par sa relation de la façon dont il a vécu la période révolutionnaire. 

Maire de Thury, juge de paix du canton de Mouy, il se consacre à ses administrés. Il sera pensionné et décoré par Napoléon, puis par Louis XVIII. Il meurt le 18 octobre 1845 à quatre-vingt-dix-sept ans. 

                   t La fin des Cassini

 Le fils du précédent, Alexandre-Henri (1784-1832), vicomte de Cassini, se détournera de l'astronomie pour la magistrature et la botanique. Avec lui s'éteindra la branche française des Cassini.

 

II- La Carte du Royaume de France

                   t La carte de 1693

La Carte de France corrigée par ordre du Roy est fondée sur les déterminations astronomiques que Cassini, Picard et La Hire effectuèrent en de nombreux lieux et notamment, entre 1676 et 1681, en Bretagne, en Gascogne et en Normandie. Elle fut publiée par La Hire en 1693 avec surimpression de la meilleure des cartes antérieures, ce qui mettait en évidence des modifications considérables: en particulier l'écart de longitude entre Paris et Brest, obtenu par observations d'éclipses de satellites de Jupiter, s'abaissait à 6°54' au lieu de 8°10'. La surface du royaume se trouvait réduite d'un cinquième et, l'apprenant en 1682, Louis XIV se serait plu à dire qu'il était mal récompensé de la sollicitude qu'il portait à ses astronomes.

t La Carte de France, dite des Cassini (1756-1790)

En 1681, un an avant sa mort, Picard avait défini un plan de travail pour la construction d'une carte complète de la France: prolonger son arc de 1° à travers tout le royaume du nord au sud, et y rattacher par triangulation le reste du territoire.

Le plan que Picard avait dressé en 1681 s'élaborait lentement. Avant l'achèvement de la méridienne, Cassini II aidé de son fils avait mesuré un arc perpendiculaire à celui, de Brest à Strasbourg. Au terme de ces travaux la France était couverte d'un réseau de près de huit cents triangles reliant les villes principales. Dès lors la cartographie scientifique était possible.

Au cours de la campagne de Flandre, Louis XV demanda à Cassini III de lever le plan du pays occupé par les armées. La carte détaillée que Cassini présenta au Roi l'émerveilla tellement qu'il demanda qu'on entreprît la carte du Royaume.

En 1750, une somme annuelle de 40 000 livres est débloquée pour cette grande opération. La carte géodésique, au 1/86 400, devait comprendre cent quatrvingt-deux feuilles. Il ne suffisait plus que de mesurer de petits triangles appuyés sur les grands pour obtenir un canevas général. Toute ville, tout clocher, pouvait alors être déterminé géométriquement. Ce travail serait confié à des ingénieurs qu'il faudrait évidemment former. Il fallait aussi faire faire des instruments précis, graphomètres à lunettes notamment, former des graveurs, fonder une imprimerie. La première année est employée aux préparatifs et, en 1752, le travail démarre bien. Mais en 1755, veille de la guerre de Sept Ans, les subsides sont suspendus. Cassini III conçoit alors le projet de créer une association privée: il recueille cinquante associés (parmi lesquels figurent le Roi et Madame de Pompadour). Le Roi accorde à l'association le privilège de la vente publique de la carte pendant trente ans; de plus les états provinciaux, intéressés par cette carte, s'engagent à fournir une aide financière.

Grâce à un travail surhumain, Cassini III put triompher de toutes les difficultés, aussi bien de gestion que matérielles ou humaines. Il y eut, par exemple, des rapports plus que difficiles parfois avec la population, qui regardait d'un oeil hostile les ingénieurs venir dans les clochers ou monter de grands échafaudages. Pourtant, à la mort de Cassini III en 1784, il ne restait plus que deux feuilles de la Bretagne à terminer. C'est son fils qui achève la carte de France et la présente à l'Assemblée constituante en 1790.

En septembre 1793, sans s'embarrasser de scrupules juridiques, la Convention confisque la carte de France et fait tout transporter au dépôt de la guerre. L'ensemble deviendra propriété de l'État. Les opérations de même envergure n'ont été entreprises à l'étranger qu'au siècle suivant, et sur les méthodes mises au point par les Cassini.

Accueil